Mon premier emploi
Attention - Le présent billet peut contenir de la nudité et encourager le tabagisme
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Page couverture du Playboy - Année 1971 |
J'avais 16 ans quand j'ai intégré le marché de l'emploi, un emploi étudiant s'entend. J'étais caissière dans une tabagie, la Tabagie France. Sincèrement, je n'ai aucun souvenir de mon entrevue, s'il y a eu entrevue ou même du contexte de mon embauche, ni de la durée de cet emploi.
De deux choses l'une ou bien le contexte de l'embauche était à ce point traumatisant que je l'ai enfoui dans ma mémoire ou bien il a été à ce point facile au point de ne me laisser aucun souvenir. C'est tout de même étonnant, vous en conviendrez, considérant que c'était mon PREMIER emploi.
Je présume à tort ou à raison avoir été engagée par LA propriétaire, elle-même, Marthe Bédard Tessier, D'abord parce que je n'ai jamais vu d'homme dans le paysage de l'entreprise, ni même dans la maison qui jouxtait le commerce. Enfin parce qu'elle avait la trempe, l'énergie et la détermination d'une entrepreneure et la créativité d'une artiste peintre, une aquarelliste qui a fait sa marque.
D'ailleurs, dans mon souvenir, il y avait une section à la tabagie réservée exclusivement à la vente de matériel d'artiste : toiles, cadres, peintures, pinceaux...
Autrement, on trouvait à la tagagie les trucs habituels, notamment des cigarettes affichant outrageusement les couleurs du fabricant et trônant, impudiques, bien en évidence derrière le comptoir.
On y trouvait également des billets de loterie, une loterie à ses premiers balbutiements avec, dieu merci, seulement deux ou trois types de billets. Comme dans tout bon commerce du genre, on pouvait également faire provision de friandises, de bonbons à la cenne, de produits de dépannage et de revues en tous genres, dont feue la mythique revue Playboy vendue à l'époque dans son enveloppe de plastique pour être bien sûr que son contenu ne soit pas feuilleté par des yeux candides.
Ce que j'ai encore très frais à ma mémoire, outre ma traumatisante rencontre avec l'immense danois de la propriétaire dans le sous-sol - mais ça, c'est une autre histoire - Non, ce dont je me souviens le plus, c'est quand un acheteur de Playboy se pointait à la caisse. D'abord, je ne vous apprendrai rien, c'est Monsieur tout le monde : un homme sans âge, un père de famille, un professionnel, un ouvrier, un frère, un ami.
Donc, quand monsieur Tout le monde se pointait à la caisse, huit fois sur dix, il déposait, d'un mouvement qui se voulait nonchalant, la revue à l'envers sur le comptoir. Distraction, délicatesse à mon endroit ou malaise de sa part, je penche pour la dernière hypothèse. Le hic est que le prix était indiqué sur la couverture.
Les autres, les "deux fois sur dix", rivalisaient d'imagination pour dissimuler partiellement la couverture avec tout ce qui pouvait leur tomber sous la main : manteau, paire de gants, chapeau, revue de décoration ou, pourquoi pas, sac de chips acheté à la volée et déposé stratégiquement sur la revue de manière à laisser le prix à découvert. Rares, très rares, ceux qui assumaient leur choix sans gêne. Fait notable, je n'ai pas souvenir d'avoir vendu un Playboy à une femme, même sous le prétexte d'un achat pour le conjoint.
La question qui tue. Est-ce qu'un jeune caissier aurait eu droit à ces trésors de diversion ou bien les clients se seraient sentis plus à l'aise. Si vous avez la réponse à cette question, je suis preneuse.
La revue Playboy et toutes autres revues du genre, exploitant le corps de la femme, on aime ou on n'aime pas pour ce que nous évoque les images ou pour ses articles... Toutefois, vendues en commerce, sur la place publique, elles avaient l'avantage de permettre un certain encadrement, l'établissement de balises, de limites.
Ce que le Dark web et le Deep web, aujourd'hui, n'offrent pas et donnent au Playboy et aux revues du même genre, l'allure d'un catéchisme.
Marielll
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