Ah ben, câlisse!
Photo Rome, Italie 2013 - Collection Marielle Langlois |
Encore récemment, dans le fil de presse, on parlait de la très controversée Loi 21 portant sur la neutralité de l'État. Cette fois, c'est le maire de Brampton (Ontario) qui comparait la Loi 21 avec l'internement et la déportation de plusieurs milliers des Canadiens d'origine japonaise pendant la Deuxième guerre mondiale et le scandale des pensionnats autochones, situation hautement décriée, condamnée, avec raison, au cours des derniers mois.
C'est choquant de lire ce genre de comparaisons entre la Loi 21 et des abominations qui ont marqué les époques. Je ne m'habitue pas. Et sincèrement, je pense que je ne veux pas m'habituer à ce genre de dérive.
Mais, ce qui me pompe l'air ce matin, c'est autre chose. C'est un préambule. Celui de la Charte canadienne des droits et libertés qui m'a été révélé anodinement par un membre de la communauté Twitter.
Les détracteurs de la Loi 21 clament haut et fort qu'elle va à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés, de la primauté des droits, mais ce dont on ne parle pas, ce que l'on garde sous silence, possiblement très délibérément, c'est le fameux préambule de la Charte canadienne des droits et libertés adoptée en 1982. Ce préambule, vous le connaissez?
Mais d'abord, permettez-moi de m'attarder sur la définition d'un préambule dans un cadre législatif.
" Un préambule est une introduction, un exposé préliminaire des motifs qui guident les légistateurs dans la rédaction de la Constitution, la loi en question ".
Voici donc, ce fameux préambule qui a "guidé" les législateurs dans l'élaboration de la Charte canadienne des droits et libertés :
" Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit ".
Oui, oui, vous avez bien lu, rien de moins : la suprématie de Dieu est inscrite dans le préambule de la Charte canadienne des droits et libertés et, bien sûr, ouvre la porte à toutes les interprétations, mais surtout à toutes les divisions.
J'aurais été plus conciliante si le préambule avait, par le choix de son libellé, reconnu explicitement tous les dieux ou mieux encore, s'il avait totalement fait abstraction de la suprématie de dieu : "Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la primauté du droit"... Tout simplement.
Mais c'est là, écrit, noir sur blanc, "les principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu".
Certains théologiens y vont de leur interprétation. Le théologien Douglas Farroy écrit : "Bien que les tribunaux aient rejeté la notion que la mention de Dieu dans le préambule pouvait avoir un quelconque effet juridique, le préambule indique néanmoins que le Canada ne peut être considéré comme un pays strictement laïc au sens populaire du terme... De plus, le mot "attendu" indique que tous les articles de la Charte devraient être interprétés à la lumière du principe reconnaissant la suprématie de Dieu. Ceci inclut la primauté du droit qui vient après la suprématie de Dieu dans le préambule, et Farrow écrit que la primauté du droit est difficile à expliquer, à interpréter, et à soutenir sans référence à la suprématie de Dieu, puisque l'État de droit s'est développé à partir des racines religieuses au Canada ".
Ce préambule sert aussi certains groupes et partis politiques, notamment :
Le Parti de l'héritage chrétien du Canada qui s'est approprié le préambule de la Charte pour "affirmer que les droits de la personne exprimés dans la Charte canadienne des droits et libertés peuvent uniquement être interprétés de façon légimime à la lumière de ou conjointement avec la Loi morale de Dieu". Un Dieu chrétien, s'entend si je me fie à l'article 24 de la plateforme de leur Parti, article dont le libellé n'est pas, permettez-moi le jeu de mot, très chrétien :
b. La charia est incompatible avec la culture et le patrimoine du Canada et avec la Charte canadienne des droits et libertés.
Je ne l'ai pas inventé. Ça ne s'invente pas. https://www.chp.ca/fr/about/platform (art. 24, b)
De leur côté, les Canadiens musulmans font aussi leur interprétation du préambule : "Au Canada, les principes de la la Loi islamique correspondent à des principes similaires dans la Charte canadienne des droits et libertés qui concernent : (12) la suprématie de Dieu et la primauté du droit (préambule); (2) la garantie des droits et libertés; (3) les libertés fondamentales; (4) les droits à l'égalité; (5) le patrimoine multiculturel. Puisque, à leurs yeux, la Loi islamique provient de Dieu et puisque la politique multiculturelle indique que le Dieu mentionné au préambule inclut le Dieu islamique, ils estiment que la Loi islamique a donc sa place au Canada". (Extrait de Wikipédia)
Et je partage cet avis des Canadiens musulmans n'en déplaise aux théologiens et au Parti de l'héritage chrétien du Canada : il n'y a pas qu'un dieu.
Aujourd'hui, plus que jamais, je suis favorable, mais totalement favorable à la Loi 21. J'aborrhe les religions qui n'ont de cesse de s'opposer, de mépriser, de soumettre et au final, de diviser.
Je suis pour la neutralité de l'État.
Marielle Langlois
Ah ben, câlisse! Moi aussi, je suis pour la neutralité de l'État. ;-)
RépondreSupprimerLa Charte peut intégrer et protéger les droits fondamentaux, notamment la liberté de religion ou de non religion, mais delà à intégrer la suprématie de Dieu dans son préambule, il y a une maudite limite. Est-ce qu'il serait venu à l'idée des législateurs d'intégrer la suprématie dans le Code du travail? Dans le code criminel?
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