Cachez cette page 99 que je ne saurais voir


Extraction de la page 99 du livre de Cent ans de solitude par Gabriel Garcia Marquez, Éditions du Seuil, 1968

À quand le jour ou l'on va ostraciser Gabriel Garcia Marquez parce qu'il "contribue" par son oeuvre, Cent ans de solitude, à alimenter des stéréotypes homme/femme avec toutes les conséquences qu'ils peuvent avoir sur le développement?

Peut-être pas aussi loin qu'on pourrait le croire...

                 _______________________________________________

Je croyais, j’espérais, que l'événement, la très médiatisée affaire Lieutenant-Duval, qui s'est produit à l'Université d'Ottawa en était un isolé. Et bien non!. À peu près à la même période, une autre dérive est survenue, cette fois, à Montréal, à l'Université McGill.

Un autre cas de censure étudiante rapporté par la journaliste et chroniqueuse Isabelle Hachey. 

Voici le contexte. 

Une professeure propose des lectures dans le cadre de son cours de littérature : des ouvrages majeurs, des tableaux temporels de société décrits de la plume d'auteurs incontournables dont, entre autres, Joseph-Charles Tassé, Anne Hébert et Réjean Ducharme.

Dans le cadre de ce même cours, un étudiant s'offusque de lire dans un livre intégré au programme :

                    "Pendant leur séjour en forêt, les trappeurs canadiens-français ont "travaillé comme des nègres".  

Le mot à ne pas prononcer est débusqué à la page 99 de Forestiers et voyageurs de Joseph-Charles Tassé,  un roman de 192 pages,  écrit il y a près de 160 ans.

Interpellée, la professeure se confond en excuses, essaie de calmer le jeu, de contextualiser l'ouvrage et son contenu. Rien n'y fait : les esprits, les micros et les caméras se ferment. Le cours est fini. 

Subséquemment, deux plaintes de racisme sont déposées contre l'enseignante. 

Non seulement ces deux plaintes ont été reçues, mais la Direction de l'Université McGill a estimé devoir leur donner suite.  C'est triste, voire inquiétant. 

Je pense que la professeure n'aurait jamais dû s'excuser, mais plutôt plutôt miser sur la qualité et la diversité de son programme.

Je pense que la direction de l'établissement, solidaire à l'enseignante et en reconnaissance de la qualité des ouvrages proposés, aurait dû d'emblée opposer une fin de non-recevoir à ces deux plaintes.  

Mais, ce qui est encore plus inquiétant ce sont les solutions que propose la Direction de l'Université McGill dans un esprit de conciliation que l'on peut parfois confondre, si on n’y prend garde,  avec l'aplaventrisme : 

La Direction de l’Université McGill propose à l'enseignante  

  1. De scruter à la loupe tous les ouvrages proposés par le programme ; 
  2. d'anticiper tous les mots (d'hier et d'aujourd'hui) qui pourraient heurter les susceptibilités (d'aujourd'hui et celles de demain) ;
  3. de remplacer certains ouvrages s'il s'avère que les expressions qui heurtent se répètent trop souvent ;
  4. et, comble de l'aberration, de suggérer aux élèves de sauter certaines pages d'un ouvrage.

Vous avez bien lu.

J'imagine la suite des choses.  "Allez voir cette exposition de sculptures, mais préservez-vous de cette oeuvre, puis cette autre. Allez-voir cette pièce de théâtre, et sortez, cinq minutes après le début du premier acte, et revenez à la 12 minutes. Allez voir ce film..."

Pendant que je prends une grande respiration, il me vient une question à l'esprit.

Est-ce que les étudiants, ceux ou celles qui ont été heurtés par une expression utilisée en 1863 savent qui est James McGill, fondateur de l'université qu'ils ont choisie? Est-ce qu'ils savent comment et à quelles conditions il a constitué sa fortune pour donner naissance à son rêve?

Extraction du site de l'Université McGill


Est-ce qu'ils ont eu la curiosité d'aller voir au-delà du petit encadré introductif Voici James McGill ?

Si un étudiant fait le choix de l'Université McGill en connaissant son histoire et son fondateur, on peut supposer qu'il est capable de faire le départage entre ce qui est et ce qui a été?

Par conséquent, il devrait être en mesure de contextualiser ses lectures et leurs contenus. Autrement,  je serais encline à penser que l'étudiant a des susceptibilités sélectives pour se préserver de lectures obligatoires qu'il estime plus fastidieuses.


Marielll





Commentaires

  1. L'histoire a de ces revers... Le fameux « interdit d'interdire » des soixante-huitards est devenu le slogan des complotistes de tout acabit pendant que le « politically correct » carbure à la culture de la dénonciation (call-out culture) et du bannissement (cancel culture). Cette époque est formidable pour qui aime haïr ! :-(

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    1. Tu as les mots pour le dire. Ce qui s'est passé à McGill, c'est un cas flagrant de "politically correct qui carbure, à plein régime, à la culture du bannissement". C'est aussi la règle d'association qui inquiète : " Tu proposes, donc tu es". "Tu suggères une lecture avec une expression intégrant le mot nègre, on te soupçonne de racisme. Si tu essaies de le contextualiser, c'est confirmé : tu es raciste.

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