Nos voisins, les États-uniens



Source  de la carte - Erik Bruinenberg
Dessin - Marielll

Je le sais, vous le savez : les États-Unis ne sont pas l'Amérique.  Il faudrait peut-être leur rappeler, surtout le rappeler à ce triste clown qui a la fâcheuse, voire désastreuse, tendance à se prendre pour le nombril du monde.

Depuis l'annonce récente de taxes tarifaires démentielles prenant effet le 1er février, reportées le 1er mars, peut-être appliquées le 1er avril sur un bout de papier en forme de poisson accroché dans le dos - Vous conviendrez qu'il est difficile d'être dans sa tête, lui-même ne l'étant pas tout à fait -  hors donc, dis-je, depuis cette fameuse annonce qui n'en finit plus d'être annoncée, des listes de produits destinées, dit-on, à encourager la consommation de produits canadiens et québécois circulent sur le web. 

Mais est-ce bien pour encourager la promotion de produits canadiens ou plutôt un mouvement éphémère en réaction à une menace clownesque?

C'est le branle-bas de combat. On se désabonne des Netflix, Prime Vidéo. C'est la course intra frontalière aux produits locaux et extra locaux avec l'espoir d'écarter la menace tout en rêvant du jour de notre réabonnement à Netflix, bien au chaud dans notre robe de chambre Amazon, confortablement assis sur notre divan Temu, savourant le retour attendu de nos Frito-Lay. 

Ce matin, je me suis amusée à inventorier mon frigidaire, mon garde-manger et mes produits d'entretien et de nettoyage, histoire d'en connaître la provenance. 

Sans surprise, dans mon réfrigérateur, incluant le congélateur, je n'ai presque pas de produits états-uniens. Et pour cause, quand j'arpente les allées de mon épicerie, quand je passe à la hauteur du rayon des produits réfrigérés et congelés, j'arrête généralement mes choix sur les spéciaux de la semaine offerts dans l'éventail de mes besoins et plus que sur la provenance des produits.  Et coïncidence, les spéciaux, les meilleurs prix sont généralement offerts par la bannière Le Choix du Président, dont les produits se retrouvent sur les tablettes de mon épicier. Je n'ai aucun mérite.

Et puis, il y a les acquis : le lait, la crème, les œufs, la mayo, la relish*, la moutarde, les herbes salées, le beurre... tous des produits locaux. J'y tiens mordicus.

Et puis, il y a ces produits qui, pour moi,  ne souffrent pas les compromis.

En spécial ou pas, j'achète du yogourt Liberté nature et de la crème glacée Coaticook au sucre d'érable, de la sauce BBQ What's the Pork et, autre belle coïncidence, ce sont des produits d'ici. Quel merveilleux adon!

Dans mon garde-manger, c'est du côté des levures chimiques que se concentrent les produits états-uniens généralement associés au pain et au dessert. Parce que nous faisons notre pain, et considérant que mon conjoint et moi sommes des bébites à sucre, la rotation des stocks même états-uniens, se fait avec une régularité métronomique. 

Confectionneuse émérite de tartes et, qui plus est, sachant qu'il faut aujourd'hui prendre une 2e hypothèque pour s'offrir une tarte du commerce, j'ai toujours en inventaire de la graisse Crisco que ma mère utilisait, que ma grand-mère maternelle utilisait, ainsi que.. Bref, on ne change pas les formules gagnantes.

C'est du côté des nettoyants tout usage et des savons que  j'ai retrouvé la plus forte concentration de produits états-uniens et, de surcroît, de produits inutiles. En effet, depuis plusieurs années, je suis une consommatrice finie du soda à pâte et vinaigre pour l'entretien courant et pour le récurage de mes chaudrons : un duo imparable qui, sans vouloir faire de jeu de mots, est nettement moins dommageable pour l'environnement et dont le seul gros défaut est assurément de ne pas laisser flotter une bonne odeur de propreté après usage... comme les nettoyants tout usage commerciaux.  Tant qu'à se faire suer à faire le ménage, on aime que ça sente bon. Raison pour laquelle il m'arrive de me laisser tenter par des odeurs de citron, ou celles plus costaudes de M. Net. 

Je n'arrêterai pas d'utiliser du soda à pâte et le vinaigre même en sachant qu'ils sont de provenance états-unienne. Mais sachant qu'il existe des équivalents aux produits de Procter and Gamble et considérant que ces équivalents me sont facilement accessibles dans mon patelin, ou à proximité, je vais probablement au cours des prochaines semaines me convertir à Lavo.

Bien évidemment, tous mes choix ne sont pas et ne seront jamais totalement locaux, locaux étant définis ici comme québécois, voire canadiens.

Au frigo, j'ai un fromage qui vient de Colombie-Britannique, un autre de l'Ontario. Des mandarines qui viennent du Maroc. J'ai une pâte de tomates en tube fabriquée en Italie, des piments frais , achetés en spécial,  qui viennent du Mexique.  Les mandarines ne poussent pas dans la neige, le café et les olives non plus.

Et puis,  il y a le fameux beurre de peanuts que mon conjoint et moi consommons en quantité industrielle, mon conjoint plus que moi,  et  particulièrement avec une bonne banane Dôle et un cheddar frais qui fait squichh, squichh. 

On a déjà essayé les beurres d'arachides dits naturels, en version commerciale comme en vrac, mais, plusieurs tentatives à l'appui, mon tchum et moi sommes arrivés à la conclusion que nous aimons le beurre d'arachides dans sa forme la plus Kraftienne.  

J'ajouterais que le très, le vraiment très relatif contrôle qu'il m'est possible d'exercer sur le choix de mes produits est intimement lié à trois réalités, excluant ma localisation géographique : je suis retraitée, je ne suis pas en urgence et je n'ai pas de famille à nourrir.  J'ai le temps de regarder les étiquettes  et je sais fort bien que ce n'est pas donné à tout le monde. 

Dernière chose... Si vous avez un trou dans votre horaire et que vous envisagez le même exercice, faites-le pour vous, pour le Québec, pour le Canada et NON PAS CONTRE les États-Unis. Votre démarche aura plus de chance de succès et de pérennité. 

En se choisissant, j'ai le sentiment qu'on pourrait peut-être rétablir un rapport de force nécessaire à un bon voisinage. 

Comme citoyens, on ne peut pas rappeler Trump à l'ordre. Mais comme consommateurs, peut-être : pas individuellement, mais collectivement. Quand les grands tenants de l'industrie états-unienne vont observer une chute vertigineuse de leurs ventes dans cet immense et magnifique territoire qui ne sera jamais le 51e état des États-Unis, peut-être qu'il va se trouver quelques dirigeants pour frapper à la porte du salon ovale.  

Ce jour-là m'apparaît très lointain, mais peut-être que ça nous laissera le temps, comme société,  de développer des habitudes de consommation pérenne plutôt que réactionnelle.


Marielle Langlois

*En janvier 2025, on annonçait la fermeture de Embouteillage Canada qui produisait la relish.  Une autre entreprise tombée au combat de la concurrence. 

Note - J'ai l'habitude de prendre mes photos pour imager mes textes, mais quand j'ai vu la carte d'Érik Bruinenberg, je n'ai pas pu résister. Je m'excuse à l'avance de cette petite entorse au droit d'auteur et j'ose espérer qu'on ne m'en tiendra pas rigueur. 





Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les roses portugais

Des ressemblances frappantes ?

De retour