Un chien, c'est un chien et c'est tant mieux

Les chiens ont toujours été très présents dans ma vie. Celle de mon enfance, s'appelait Babette. Une petite chienne de maison, courte sur pattes, aussi laide, qu'attachante, très très attachante, et qui avait au moins deux portées par année. Au début des années 60, la stérilisation animale n'était pas au goût du jour. Je pense qu'elle est morte de sa belle mort, c'est du moins le souvenir d'enfant que j'en ai. Sa petitesse lui donnait le droit de partager la maison et... notre lit. Autres caractéristiques de Babette, elle n'aimait pas les petites pilules rouges destinées à soigner son anémie post accouchement, pilules qu'elle recrachait si on lui en offrait l'occasion... et elle n'en manquait pas une. Mon père, confronté à son épique résistance, pourrait en témoigner. Elle ne tolérait pas non plus que des étrangers entrent dans la chambre des parents. Un jour, elle aura mordu "férocement" le talon d'un déménageur protégé par sa botte de construction.  Et le livreur de dire, amusé, à ma mère : "Votre chienne madame, votre chienne madame m'a mordu".

À l'adolescence, il y a eu Natcha. Une femelle dont la couleur et la conformation se rapprochaient du berger allemand. Elle passait ses journées attachée dehors; une concession malheureuse faite à mon père pour avoir un chien.  J'ai eu vite fait de réaliser que lorsqu'un chien n'entre pas dans la maison ou peu, ne partage pas notre espace, le rapport avec l'animal est très différent. Un jour, elle s'est sauvée. Un chien attaché au fond d'une cour cherche toujours à se sauver. Elle a été heurtée par une voiture sur le boulevard. Elle n'a pas été blessée, mais l'impact a abîmé la calandre du véhicule. Le propriétaire de la voiture endommagée a suivi Natcha jusqu'à la maison. Les assurances de mon père ont payé. Toutefois après cet incident, plus question de garder Natcha. Elle  s'est retrouvée à la SPA. J'ai quelques photos de Natcha. Elles sont quelque part, introuvables, dans des boîtes. 

Je n'ai plus jamais eu de chien attaché dehors, nuit et jour.

Jeune adulte, avec ma sœur Claire, il y a eu Krinkoff, un drôle de nom pour un drôle de chien qui n'a fait que passer. Sa dominante de doberman lui donnait une fière allure, mais un "caractère de chien". En fait, il nous faisait peur à l'une comme à l'autre. Il était imprévisible. Il montrait les dents. Je pense que nous l'avons ramené à la SPA, là ou nous l'avions pris quelques mois plus tôt, voire quelques semaines plus tôt. Dans mon souvenir, nous ne l'avons vraiment pas eu longtemps: le lien d'attachement ne s'est jamais créé. Encore jeune et avec son profil doberman, j'ose croire qu'Il a trouvé preneur rapidement. Il est passé tellement vite dans notre vie que je n'ai aucune photo.

Jeune trentenaire, j'ai eu Titus, dit Caïus Titus le sale cabot, mon vrai premier chien. Un adorable épagneul blond aux grandes oreilles tombantes qui lui conféraient un très grand pouvoir attractif. Il aura été ma zoothérapie dans une liaison qui, à une certaine époque, n'en finissait plus de finir. Je l'ai eu toute sa vie. 

Vers 12 ans, atteint d'un cancer, le choix de l'euthanasie s'est imposé tout naturellement. Avant la piqûre, je suis allée passer la journée avec lui dans le  parc qu'il affectionnait particulièrement.

On a marché, il s'est baigné, il a couru, il a reniflé tous les buissons. On s'est collés, je l'ai flatté, caressé encore et encore. En fin de journée, je l'ai ramené à la clinique comme il était prévu. La vétérinaire m'a demandé si je voulais être là pour l'injection. Je ne me souviens pas de lui avoir répondu. Je me suis sauvée en larmes, sans me retourner.

Puis, il y a eu Boris, le pot de colle, l'infatigable chasseur de roches sous l'eau, mort de sa belle mort à 10 ans, dans le temps des Fêtes. Une crise de cœur, une syncope, l'a emporté, heureux,  après une fin de semaine intensive de plein air et de jeux dans la neige avec les enfants au chalet à Morin Eights. Une fin de semaine comme il les aimait. Il s'est éteint paisiblement sur son coussin, dans notre chambre, au retour du chalet.

Encore récemment, mon actuel conjoint et moi en avions  deux : Zach, un adorable golden, un autre pot de colle,  c'est le propre des Retriever, que nous avons pris à l'âge de 5 ans et qui en a maintenant 12 et demi.
Et Perro, un sympathique bâtard, résultat d'un heureux croisement entre une grenouille et un cerf, entre un Labrador et un Husky; un athlète, un vrai et, de surcroît, un producteur intensif d'un poil duveteux, sans odeur, avec lequel j'aurais pu me tricoter deux chandails par année. 

Mais même les plus grands athlètes ne sont pas à l'abri de la maladie. Le 18 août dernier, notre beau blond s'est effondré sur le trottoir en face de la galerie, incapable de se relever. 

Pour abréger sa souffrance, et après quelques examens cliniques révélateurs, il a été euthanasié le même jour, à l'âge de 10 ans et demi,  par la vétérinaire, à notre demande . Cette fois, je ne me suis pas défilée. Je l'ai accompagné dans la mort. Une triste mort! 


Quand la vétérinaire est entrée dans la pièce pour le piquer, Perro s'était endormi sous l'effet combiné du calmant et, j'ose l'espérer, de mes caresses. 

Je pensais bien qu'il partirait tout doucement dans son sommeil après l'injection. Mais sa pression sanguine très basse en a décidé autrement. 

La vétérinaire n'arrivait pas à trouver une veine pour l'injection du poison. Elle l'a rasé à trois endroits, piqué à trois endroits : la troisième fois a été la bonne. 

Toutefois, à la deuxième tentative, Perro s'est réveillé. Contrarié? Souffrant? 

Il a retroussé ses babines, a pris, faiblement, très faiblement,  la première chose qui lui est tombé sous les dents,  le fil du rasoir électrique avec l'air de dire "Câlissez-moi patience". Puis la mort... 

Je suis partie en larmes, après avoir enlevé le fil électrique entre ses canines et refermé doucement sa gueule.  Il avait les yeux ouverts. Ces dernières images m'habitent toujours.

Vous ne m'entendrez jamais appeler un chien "garçon" ou en lui dire "viens voir maman". Je ne brosse pas leurs dents. Je ne leur donne pas de bouffe végétarienne, encore moins de bouffe sans gluten. Je ne les amène pas au café, à l'hôtel pour chien, je ne leur achète pas un espace dans un cimetière et encore moins une pierre tombale. Il ne mange pas à notre table et ne consomme pas nos restes de table. En fait, lors des repas, nos chiens ne sont pas autorisés à entrer dans la salle à dîner. Un chien, c'est un chien. Et je les aime pour ce qu'ils SONT : des chiens, des bêtes formidables, uniques.

Les chiens ne jugent pas. Leur affection est inconditionnelle. Ils sont présents, rassurants, fidèles, drôles, curieux, intelligents et adorablement dépendants. Ils sont compagnons du quotidien, confidents et gardiens de nos secrets. Ils décodent nos humeurs, les respectent. Ils sont des alliés de premier plan en zoothérapie, en recherche sauvetage et en accompagnement de personnes.
  
Je peux comprendre que dans certains pays, la viande de chien soit très prisée, que la vache, que je consomme en yogourt et sur le grill, soit sacrée pour certains et que le cochon, dont je me délecte à toutes les sauces,  soit proscrit pour d'autres, ailleurs dans le monde. C'est comme ça : autres pays, autres mœurs sur lesquelles je n'ai aucun contrôle si ce n'est d'ingérer ce que je veux bien ingérer. C'est ce qui fait que vous ne me verrez jamais manger du chien, du chat ou du cheval, des animaux que j'affectionne particulièrement. 

Aujourd'hui, reste notre gros Zach, notre caressolique avec lequel nous partageons notre quotidien. Un sympathique toutou que mon tchum surnomme affectueusement... notre chien de regarde.


Quand il ne sera plus là, est-ce que nous en aurons d'autres? Oui, probablement de la famille des Retriever, parce que nous aimons les caractéristiques de la race et préférablement de couleur pâle.  Est-ce que nous le prendrons bébé, adulte? Sais pas et cela n'a pas d'importance.

Pourquoi un autre chien? Pour remplacer les Titus, Boris, Perro? On ne remplace pas un chien. On adopte un chien. Yves parce qu'il estime que la vie à la campagne se prête bien à la présence d'un animal de compagnie et moi, parce que c'est le meilleur moyen que j'ai trouvé pour vivre le temps présent. Un chien, immanquablement, par sa seule présence, nous ramène à l'essentiel de la vie : dormir, manger, jouer, aimer... aujourd'hui.

Marielll


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