La RBC

Hiiii! Ça fait un bail que j'ai écrit sur mon blog.   Avant de continuer le parcours anecdotique de Mes 50 ans d'emploi sous la loupe, j'aimerais recontextualiser le tout.  

Rappelons que la rétrospective de mes expériences en emploi a pour objectif de souligner, de façon toute personnelle,  la Journée internationale des droits des femmes en date du 8 mars dernier.  

Un triste anniversaire, vous vous en souviendrez,  marqué cette année par le cortège de cinq féminicides auxquels, quatre semaines plus tard, venaient s'ajouter cinq autres morts violentes de femmes par la main de leur conjoint ou d'un proche.

Dix féminicides en dix semaines. Triste, triste record. 

Je pense que parfois, il est bon de se rappeler individuellement et collectivement à quel point nos acquis sont récents, mais surtout à quel point ils sont fragiles. 


Collection Marielll 

On est en 1978. Derrière moi la vie étudiante, derrière moi les emplois d'été, j'entre, sans maquillage,  à la Banque royale du Canada dans le quartier Saint-Frédéric, au  centre-ville de Drummondville. J'y resterai deux ans. J'ai beaucoup aimé. Une belle gang! Une belle complicité et de bonnes conditions de travail.  Tellement que les départs sont rares et les opportunités de promotion tout autant.
 
Forte de ma nouvelle autonomie financière, deux ans plus tard, je décide de quitter le giron familial, un giron o combien confortable et demande un transfert à la succursale de Beloeil. 

Je pars pour Saint-Hilaire, le royaume des centres équestres, situé en face de Beloeil, de l'autre côté du Richelieu.  Je flotte. C'est l'ère des grandes premières : mon premier appart, mes premiers cours de selle anglaise dans une sympathique petite écurie, mon premier jour à l'emploi de la succursale de Beloeil, ma première cliente...

Une première cliente qui s'adresse à moi en anglais. Je fige. Je ne m'y attendais pas, mais vraiment pas. Pas à Beloeil. Sans doute a-t-elle pensé que je ne l'avais pas comprise.  Elle a enchaîné dans un français sans accent. Et me voilà doublement étonnée.

J'ai travaillé deux ans à Beloeil, en français. Je n'ai jamais compris pourquoi ma première cliente s'était exprimé en anglais, si ce n'est, peut-être, en raison du contexte sociopolitique créé par l'arrivée au pouvoir du Parti québécois et sa détermination à tenir un premier référendum. 

J'y ai cumulé une belle somme d'expériences, j'ai profité de toutes les opportunités qui s'offraient en regard des apprentissages à l'interne. Bien sûr, j'ai rapidement fait le tour du jardin. 

Et rapidement,  j'ai été confrontée à une vérité évidente par elle-même, à la faille institutionnelle. Certes, les promotions à la RBC de Beloeil étaient nombreuses, mais elles étaient réservées aux hommes et aux anglophones. Qui plus est, il n'y avait pas de promotion à l'interne, que des remplacements temporaires. Merci, bonsoir, elle est partie!

Quand j'ai quitté, j'occupais les fonctions de commis au comptoir. Une commis au comptoir, c'est une caissière multiservices : tous les services de base, plus la vente de placements et de prêts. La seule chose qu'on ne faisait pas, c'était de signer les contrats. 

Un poste de caissière s'ouvre à la succursale du Cap-de-la-Madeleine. Un superbe timing avec mon déménagement! Mais avec un certain recul,  j'aurais dû, y regarder à deux fois avant d'accepter. Au début des années 1980, à la succursule du Cap,  les responsabilités d'une caissière se limitaient à peu de chose près aux dépôts et aux retraits à la vente de chèques de voyages, rien de bien gratifiant, encore moins avec le déploiement intensif des guichets automatiques. 

À plusieurs reprises, j'ai passé des messages à la direction qui n'ont pas trouvé écho jusqu'à ce que je me mette à faire des erreurs de caisse grossières. À ce moment-là, à ce moment-là seulement, la direction a estimé qu'il était grand temps de me rencontrer. 

Vous ne devinerez jamais ce que le gestionnaire m'a demandé.  D'entrée de jeu, il s'est empressé de préciser qu'il avait consulté la Direction des resssources humaines et que c'est sur leur recommandation qu'il m'a demandé : 

"Est-ce que tu étais fiancée? Est-ce que tes fiancailles ont été rompues? Tu vis une peine d'amour?" La DRH pense que ça pourrait expliquer ta difficulté à te concentrer au cours dernières semaines."

Mes deux bras sont tombés à terre pour rejoindre mon menton qui les avait précédés de quelques secondes. Puis, je pense, j'ai éclaté de rire : un fou rire, un immense fou rire.

Je vous le demande : Est-ce qu'on aurait posé cette question si j'avais été un homme? Bien sûr que non. 

J'ai répondu : "Non pas de fiançailles rompues, pas de peine d'amour,  juste de l'ennui, beaucoup d'ennui dans l'exercice de mes fonctions, un profond sentiment de démotion.  Faites-vous plaisir, faites-moi plaisir, exploitez mes compétences, donnez-moi des responsabilités".

C'est là, après un an de dépôts\retraits, que mon désir de partir en voyage en Europe plusieurs mois s'est matérialisé. 

À toute chose, il y a du bon et du très bon... À la ROYAL BANK OF CANADA, la RBC, j'ai croisé des gens formidables, j'ai acquis des compétences transversales qui me servent encore aujourd'hui. 

Au final, j'estime que ce sont cinq années de ma vie fort bien investies.

Marielll 

P-S. Une femme me confiait récemment, avoir été témoin, au centre de naissance, de la réflexion d'un nouveau papa à la vue de sa nouvelle-née : "Encore une fendue" Et de s'en retourner avec une pointe de déception dans le regard. Ça se passait  à la fin des années 2010. 

Et oui, dans la tête de certaines personnes, et attention pas seulement celle des hommes, au Québec et ailleurs, c'est encore ça être une femme. 





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